Ici quelques nouvelles de mes recherches et constructions sur le métavers en ITW par anne-claire ruel sur France Culture.
Metavers, les mal-aimĂ©s : selon un sondage Ifop de janvier 2022, ces mondes virtuels, souvent utilisĂ©s pour dĂ©crire une future version d’Internet, suscitent la crainte de trois quarts des Français. Des Français qui les associent Ă la dĂ©connexion de soi-mĂŞme, au nouveau terrain de jeu du capitalisme, Ă la surveillance, au rĂŞve fou d’une poignĂ©e de milliardaires…
Et Maintenant ? Si l’on prenait au sérieux les raisons sincères qui poussent certaines personnes à entrer dans ces métavers ? Les motifs réels qui les incitent à se créer un avatar, un double, pour mettre en scène, dans des espaces virtuels en 3D, des événements de leur quotidien ; comme des cours, des concerts, des réunions, des rencontres ?
Cette démarche à contre-pied, c’est celle d’Anne-Claire RUEL, enseignante en communication politique. Elle signe un texte court, Le métavers, base arrière de la France heureuse, inscrit dans un livre collectif intitulé J’ai piscine, paru aux éditions de l’aube. Fruit d’un travail où elle a interrogé de nombreux utilisateurs français de métavers. Parmi eux, Simon. Il vit sa seconde vie, peut-être la meilleure, sur un métavers créé en 2011, baptisé TheSandBox. La première raison de cette démarche, que nous explique Anne-Claire RUEL : dans ce monde parallèle et émergent, Simon a créé son refuge, son havre de paix.
Sortir de soi, grâce au virtuel, pour ne pas sortir de chez soi. Cela correspond à une tendance forte, que la crise sanitaire a renforcée. Celle du rejet et de la peur du dehors, celle de la préférence pour le cocon, pour le domicile, pour l’aventure sur le canapé et les rencontres lointaines, sans danger. Ce havre de paix, Anne-Claire RUEL l’a remarqué dans ma majorité de ses entretiens. Autre motif qui a poussé Simon à jeter dans un métavers les bases d’une seconde vie : le sentiment de liberté que cet espace lui confère. La possibilité de créer un monde à son image ou à l’image qu’il se fait de lui.
Cette fenĂŞtre de libertĂ©, ouverte par Simon, c’est celle aussi que dĂ©crit Sylvie, dans un opus Des Pieds Sur Terre, signĂ© Jeanne MAYER, diffusĂ© avant-hier sur France Culture, disponible sur FranceCulture.FR. Sylvie a crĂ©Ă© son double, elle passe aussi du temps dans un mĂ©tavers. Elle raconte, au micro tendu : « C’Ă©tait de l’imaginaire, mais ça devenait un vrai univers. C’Ă©tait totalement rĂ©el pour nous, c’Ă©tait plus rĂ©el que le monde rĂ©el. » Alors, que chercheraient les 8% de Français qui envisagent de crĂ©er leur double numĂ©rique ? Fuir ? Se forger des identitĂ©s nouvelles ? Pour Simon, que nous retrouvons une ultime fois, il y a autre chose que les jeux vidĂ©o ou les rĂ©seaux sociaux ne permettent pas : l’envie de faire et de construire, de se rĂ©aliser Ă travers ses sens, et l’usage qu’il en fait.
Dans les interprétations de Simon, les explications de Sylvie, il y a en creux et en fil rouge la notion d’échappatoire, de fuite, de renversement. Il y a, comme dans le roman de science-fiction de Neal Stephenson, Le Samouraï virtuel, paru en 1992, la volonté de s’évader d’un monde en ruines, d’une réalité déformée par les crises, rongée par le doute. C’est cela, que m’évoquent ces témoignages : le problème loge-t-il dans ces métavers ? En partie, oui. Mais sans doute aussi dans l’univers, notre monde bien réel, que tant de gens désormais ont du mal à habiter. Et dont ils rêvent de s’exfiltrer.